Conseil municipal ce lundi. Délibération 7, il est presque 22h00. J’ai tenu à ce que M. le Maire la mette à l’ordre du jour. L’objectif : trouver un nom à la dernière salle édifiée sur notre commune, celle qualifiée d’ « Extension du restaurant scolaire ». Ici, bon nombre de salles n’ont pas de nom, seulement une fonction : salle polyvalente, halle des sports, restaurant scolaire, la salle Allende étant l’exception. Je suis historien de formation et j’ai donc proposé le nom de Jean Descamps. Qui est-il? C’est un ancien boulanger mais aussi un ancien maire élu à la Libération -17 mai 1945- à la tête de notre commune et d’une liste de forces politiques antinazies issues de la Résistance. Et il restera maire 22 ans , tendance gaulliste, jusqu’à ce que M. Georges Lanquetin le remplace en 1967. Il pourrait m’être rétorqué que Jean Descamps a perdu son fauteuil de maire suite à l’annulation de l’élection de 1965 après un recours posé par la liste perdante… Quoiqu’il en soit, j’ai toujours trouvé bizarre que quelqu’un si longtemps aux rênes d’une commune n’ait aucun lieu public à son nom mais bon… C’était sans doute involontaire…
Mais c’est surtout son action pendant la guerre qui m’a interpelée. En furetant dans divers ouvrages (Le Nord-Pas de Calais dans la main allemande de Yves le Maner, Sainghin dans la tourmente de notre ami Christophe Jupon et un dernier d’un historien anglais spécialiste du réseau), j’ai pu retrouver sa trace. Il était en effet Résistant, membre d’un célèbre réseau nordiste : Sylvestre Farmer du capitaine anglais Michel Trotobas alias Capitaine Michel. Composé de volontaires français mais encadrés par des britanniques, ce réseau était spécialisé dans des sabotages de grande ampleur telle que la destruction de 200 000 litres d’alcool à la distillerie Collette d’Allennes-les-Marais le 20 novembre 1943. Jean Descamps aurait été engagé par le lieutenant de Capitaine Michel pour créer une antenne du réseau dans les Weppes : il aurait notamment recruté des policiers, caché dans sa boulangerie des armes et des explosifs parachutés à Saint-Amand et ayant transité par un de ses amis de Phalempin . Ce réseau a fonctionné entre décembre 1942 et novembre 1943 et a été décapité avec la mort sous les balles allemandes de Capitaine Michel le 27 novembre 1943. Le mois suivant, Jean Descamps entrait en clandestinité après l’arrestation à Sainghin de pilotes américains abattus, l’étau nazi se resserrant autour des membres du réseau. Le tribut du réseau fut colossal : 200 tués au combat, 85 morts en déportation et une dizaine de fusillés.
Vu ses faits d’armes, vu son engagement en tant que 1er magistrat, vu la notoriété que lui conférait son métier, appeler une salle Jean Descamps n’aurait du poser aucun problème. Eh bien, non, à Sainghin rien n’est si simple. Trouver un consensus est désormais une gageure. Les diverses oppositions ont soit voté contre, soit se sont abstenues, arguant du fait que « la salle étant prévue comme un agrandissement du restaurant scolaire, nous sommes contre. » Alors qu’il s’agissait juste de baptiser un lieu public par une appellation autre que fonctionnelle… Si même une telle proposition ne peut recueillir l’assentiment de tous les élus de cette commune, il est vain désormais de tenter un travail commun. Dégoûté que la politique s’immisce désormais partout, ma conclusion fut ironique en m’adressant aux groupes d’opposants : « Merci de votre collaboration » !
A suivre, évidemment!
Eric ROLAND